J35 - Lagunas altiplanicas

5h35. Le réveil sonne. Moins facile de se lever qu'hier. Le carrelage au sol est froid. On se dépêche de s'habiller. Départ à 6h pour le Salar d'Atacama, dans le parc national de Los Flamencos. Petite heure de route, mélangés avec d'autres touristes, dont trois espagnols que Fred avait rencontrés en faisant du sandboard. Les lueurs de l'aube éclairent les volcans par derrière, en contre-jour. Nous quittons la route goudronnée et empruntons la piste de sel, couleur terre, bosselée, pour arriver à la lagune Chaxa, qui est un lac salé, peu profond, au milieu du terrain accidenté formé par des blocs de sel tout autour. C'est le lieu de migration de flamands roses. Trois sortes passent par ici : ceux avec les becs jaunes (les James flamingos), ceux avec le plumage arrière et les pattes noires (flamingos andinos), et ceux avec les pattes rouges (flamencos chilenos). Au fait, vous saviez que ces oiseaux naissent blancs, et acquièrent leur couleur rose parce qu'ils mangent de petits crustacés et crevettes plein de bêtacarotène, à la couleur rose ? Nous sommes quasiment le premier groupe de touristes à être là, mais sommes bientôt rejoints par d'autres. Une allée est aménagée autour des points d'eau, et une autre s'en va dans le désert sur une centaine de mètres. Le ciel est bleu et les couleurs douces. Quelques flamands roses traversent l'allée, timidement, et d'autres prennent leur envol, dans un joli vol en formation rapprochée. Une forte odeur de soufre flotte dans l'air frais. Après une grosse demi-heure à observer les animaux, et à emprunter cette allée au milieu de rien, à écouter les explications en espagnol ou en français de Maria, nous revenons près du minivan pour prendre un petit-déjeuner, assez copieux. Il est 8h50.


Nous reprenons la route jusqu'au lac Miscanti, à 110km de là. Changement de décor total une fois sur place, et progressif au fur et à mesure du trajet. Nous quittons le Salar pour nous rapprocher du volcan Miscanti, prenons peu à peu de l'altitude (destination finale à 4300m), retrouvons un peu de végétation, qui parsème le terrain de taches jaunes, et sommes bientôt entourés de neige, dont l'épaisseur est faible, mais qui contraste radicalement avec les couleurs des derniers jours. D'ailleurs, c'est à cause d'elle que cette excursion n'était pas ouverte avant-hier, et les autres jours, car il était impossible de passer en voiture, et la piste était fermée. Elle est aujourd'hui ouverte, mais il reste une couche non négligeable, puisqu'en nous rapprochant du volcan, et en passant les 4000, nous passons à côté d'un van empêtré dont les roues pâtinent, ainsi qu'à côté de touristes obligés de continuer à pieds sur le kilomètre sinueux qui mène au lac que nous allons voir. Notre chauffeur, Alejandro, est un as puisqu'il parvient à nous emmener à destination, malgré quelques dérapages peu dangereux, et la pente douce mais glissante qu'il faut franchir. Nous saluons les touristes qui marchent dans la neige (nous croyons reconnaitre deux filles de la guesthouse...). Sur place, c'est très beau. En temps normal, l'endroit n'est absolument pas recouvert de neige, et les deux volcans tout proches, le Miscanti et le Miniques, se reflètent dedans. Le lac de 15km² et 7 mètres de profondeur est gelé, et tout est blanc, sauf quelques touffes jaunes qui émergent uniformément de partout. Cette lagune s'est formée il y a presque un million d'années, quand le Miniques est entré en éruption et a formé une barrière naturelle, empêchant l'eau de descendre dans le Salar. Il n'y avait d'ailleurs au début qu'un seul lac, mais il y en a maintenant deux, à cause d'une rivière souterraine et les quelques précipitations qui ont pu avoir lieu depuis. Nous descendons un peu pour nous rapprocher, mais n'allons pas trop loin, à cause de la neige. C'est assez bizarre d'être dans un environnement blanchi par la neige, alors que les couleurs beiges et ocres du Salar sont à quelques kilomètres. Autre contraste, la neige et la réserve d'eau qu'elle constitue, et l'endroit le plus aride de la planète plus bas, d'où nous venons. Changement de décor radical en peu de temps. Nous restons un peu, puis repartons à 11h20. Une dame a du mal à marcher pour rejoindre le bus à cause de l'altitude. Il commence à faire chaud aussi.

 

La descente est sinueuse, face au Salar, tout au fond, qui forme comme hier une mer plate vers laquelle nous filons. Nous laissons des cratères derrière nous, puis arrivons aux côtés d'autres, qui nous accompagnent tout du long sur notre droite. La neige et les touffes d'herbes façon steppe ont laissé place à des failles qui descendent sur la plaine de sel, creusées là encore par l'eau il y a des millions d'années, et une terre ocre et des bouts d'herbe à la couleur kaki. Le champs de vision est immense. Le décor, toujours le même pendant une bonne demi-heure, ne lasse pourtant pas. Un des volcans sur le côté est majestueux. Nous nous arrêtons à Socaire ("Socahiré"), un village coincé entre le désert et les lagunes d'altitude, construit en pierre au 16ième siècle. La culture en terrasse de pommes de terre, quinoa ou maïs prédomine encore, surtout pour faciliter l'irrigation (un point clé ici). Le clocher est à l'extérieur de l'église, et les toits faits avec l'herbe jaunes que mangent habituellement les guanacos (une espèce de lama). Aujourd'hui, peu de monde habite ici, car la plupart des gens sont partis travailler à Calama, dans les mines de cuivre de la région. Nous restons une grosse dizaine de minutes sur place.


54km plus loin, nous arrivons à Toconao. Il est 12h40. Il fait beau et chaud. Un village sans grand intêret à vrai dire. Un arrêt touristique. Dans l'église, un escalier est en bois de cactus, très dur. Là aussi, le clocher est à l'extérieur. Près de la chaussée, deux grand cactus de 2,5m trônent. Nous les regardons avec curiosité. Nos premiers cactus naturels. Nous rentrons dans une boutique, dont l'arrière-cour débouche chez l'habitant, et saluons trois lamas enfermés dans leur enclos. Nous avons un peu peur de nous prendre un jet d'eau, mais non, ils ne semblent pas effrayés. Il est 13h15, et nous repartons pour les 35 derniers kilomètres pour revenir à San Pedro. Sortie de nulle part, une barrière d'arbres fruitiers forme une grande ligne à travers laquelle nous passons en plein désert, grâce au passage d'une rivère souterraine. Au loin, sur le versant d'un des volcans, nous apercevons la base logistique d'"Alma", dont les radiotéléscopes sont invisibles et situés à 5000m d'altitude. Nous avons d'ailleurs rencontré à la guesthouse un étudiant ayant fait un stage de 3 mois là-bas, ainsi que son père, physicien travaillant sur les instruments de mesure au synchrotron de Grenoble. Passionant.


Nous arrivons à 13h44 précisément, et déjeunons sur la place principale, en payant bien trop cher pour ce que nous avons. Nous nous promenons dans les quelques rues, que nous connaissons par coeur, et rentrons. L'après-midi passe. N'ayant pas pu faire l'excursion Piedras Rojas qui nous attirait tant, bien plus chere (et incluant le tour d'aujourd'hui), nous passons à l'agence pour récupérer la différence que nous avons versée. Anthony n'est pas là. Nous l'attendons 20 minutes, sans succès. Cela ne nous arrange pas, car nous sommes du coup obligés de retirer du liquide, en espèrant que les 50 000 pesos qu'il nous doit ne nous resteront pas sur les bras d'ici à notre départ en Bolivie, prévu pour après-demain. Nous partons immédiatement ensuite à 50m, pour régler le tour aux étoiles où nous allons ce soir, prévu dans 30 minutes.


Il est 19h, et nous attendons le bus avec d'autres français pour rejoindre le Space Lodge Atacama, là où Alain Maury vit et a installé une petite dizaine de télescopes (1 télescope de 72cm, 2 télescopes de 60cm, 2 de 45cm, et d'autres télescopes plus petits. Bien sûr, ils n'ont rien à voir avec des télescopes professionnels du désert d'Atacama, jamais ouverts au public). Le tour où nous allons, alors que le soleil est couché et la nuit sans lune, permet d'apprendre comment regarder les étoiles, de comprendre les constellations, comment et pourquoi le ciel change dans l'année et avec la latitude. Un pointeur laser vert est utilisé pour pointer les étoiles dont il nous parle durant les 45 minutes où nous sommes en cercle autour de lui, dans son grand jardin, à l'écouter. L'homme est particulier, avec un style cynique, amusant, détaché, mais toujours précis. Son style est inimitable, et plait beaucoup à Fred. La pédogogie est bonne, et très terre à terre. Contrairement à ce que nous pensions, et ce qui est prévu, il ne fait pas froid du tout. Nous apprenons que l'oeil nu peut observer 3000 étoiles par temps dégagé et sans pollution lumineuse. Toutes les étoiles visibles appartiennent à notre galaxie, la Voie Lactée, hormis quelques unes concentrées dans le grand nuage de Magellan. Nous apprenons à repérer la Croix du Sud, l'étoile polaire, où encore à comprendre les similarités entre le ciel du Chili et celui de France (environ 65% est commun, beaucoup plus que ce que nous pensions). Les meilleurs ciels, clairement, sont dans l'hémisphère sud nous dit-il (il veut dire par là les plus interessants avec des téléscopes, pas forcément ceux qui sont les plus beaux à observer à l'oeil nu, quoique). Nous comprenons ce qu'est le plan zodiacal, son influence lumineuse (semblable à l'éclairage d'une ville lointaine), observons des constellations simples ou compliquées, revenons sur leur découverte et leur appelation (là aussi avec de nombreux traits d'humour, sans le côté sérieux que cela pourrait avoir... c'est excellent et tordant de rire). Puis nous passons à l'observation proprement dite, et collons notre oeil sur tous les téléscopes. Nous observons une parcelle de la Voie Lactée (avec d'innombrables points blancs qui sont autant d'étoiles), une galaxie en formation (sans reconnaitre vraiment ce que c'est si on ne nous l'avait pas dit), alpha et beta du centaure (le système double d'étoiles le plus proche de la Terre, à 4,4 années-lumières), ou encore - et c'est le plus impressionant - Saturne, que nous voyons en petit à travers un télescope, mais très précisément, en distinguant parfaitement ses anneaux. On pourrait presque voir le Faucon Millénium débouler, tellement l'image nous fait penser à celle des films de science-fiction. Et pourtant, c'est bien elle, réelle, si loin et si proche en même temps. La troisième et dernière partie consiste en une discussion informelle autour d'un chocolat chaud, à l'intérieur, où nous pouvons lui poser diverses questions. Cela dure 20 minutes. Du retard a été pris. Au final, un moment très intéresssant, bien qu'un peu léger pour Fred qui s'interesse à l'astronomie et à l'astrophysique depuis un bout de temps. Mais l'occasion de poser des questions, et de poursuivre quelques minutes la conversation en privé pendant que les autres montent tranquillement dans le bus nous ramenant dans le centre. Audrey a bien aimé. Une bonne introduction à la matière pour les non-initiés comme pour les autres. Pour les lecteurs intéressés, Alain Maury a écrit quelques articles disponibles sur le site du Space lodge Atacama, qui vous donneront une idée du tour que nous avons eu (les textes sont assez longs cependants, et très personnels dans leur style, qui peut ne pas plaire à tout le monde).

 

Retour à la guesthouse vers 23h, où nous discutons un peu avec les autres, avant d'aller nous coucher. Nous ne savons pas encore bien si nous partons en Bolivie après-demain avec l'agence que nous avons en tête (Estrella del Sur) d'ici, où si nous nous rendons à Uyuni par nos propres moyens et réservons la visite du désert de sel bolivien directement là bas, sachant que cela nous reviendrait sûrement moins cher, mais que cela permettrait d'éviter de porter trop les sacs (Audrey va un peu mieux, mais à toujours mal), et que nous avons bien du retard sur les articles du site. En outre, nous attendons une réponse de la mine de Chuquicamata pour aller la visiter jeudi. C'est en effet la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde.

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Lolo (vendredi, 02 août 2013 19:19)

    Vous ne saviez pas ça vous?! je suis déçu. Le béta-carotène a le même effet sur la peau de ceux qui en prennent pour préparer leur peau au soleil.