Première excursion aujourd'hui, et découverte du désert. Au réveil, vers 9h30, après une petite nuit pour Fred et une un peu plus longue pour Audrey (même si le sommeil était léger tant qu'il n'était pas rentré), le ciel est gris. Mince. Alors que la région est réputée pour ses couleurs contrastées, nous ne risquons pas de voir grand chose avec cette couverture nuageuse. Quelques gouttes de pluie se font même sentir. Un comble dans l'endroit le plus aride au monde. En posant la question, nous apprenons qu'en fait, San Pedro n'est pas dans la zone la plus aride de la planète, mais qu'une partie du désert - ce dernier couvrant une partie du Chili, de la Bolivie et de l'Argentine - seulement est concernée. Cela dit, la pluviométrie est néanmoins extrèmement faible un peu partout, et l'ensemble du désert hyper-aride. Les gouttes de pluie font surtout de la figuration, et ce n'est pas parce qu'il y a des nuages qu'il pleut ici. A Arica, une ville à quelques centaines de bornes, il tombe 0,8 mm de pluie par an, ce qui n'est atteint par aucun autre point du globe. C'est d'ailleurs pour ces raisons que la Nasa a testé ici de petits véhicules pour l'exploration martienne. Effectivement, nous allons découvrir aujourd'hui, mais surtout dans le prochains jours, que le paysage a des allures extraterrestres, avec la plus faible densité d'activités organiques de la planète. Coincé entre la barrière andine et la fosse océanique, le plateau de sel couvre une superficie de 3000 km² (un tiers de l'Ile de France), avec une longueur maximale de 100 km et une largeur max de 80km, et est entouré d'une barrière volcanique où se dressent une vingtaine (parmi une centaine) de volcans (dont les sommets, comme celui du Licancabur ou du Lascar, sont hauts de 6000m, et sont dans la majorité tous visibles quand votre regard parcourt l'horizon... c'est assez fou de voir autant de cheminées volcaniques rassemblées et formant un cercle autour de cette gigantesque plaine de terre et de sel). C'est le troisième plus grand désert de sel au monde, après celui de Uyuni, et celui de Salinas Grandes en Argentine.
Nous partons nous promener, passons un peu de temps sur le blog, et il est rapidement 13h passé. Nous cherchons un restaurant, allons aux "Delices de Carmen", qui met du temps à nous servir, puis changeons d'endroit, car nous avons rendez-vous à 15h pour l'excursion. Nous allons manger autre part, et par hasard, tombons dans un endroit où les plats sont en fait plus chers (mince) mais bien meilleurs, avec une vraie cuisine. C'est du coup une bonne nouvelle, et nous mangeons vraiment bien. Nous sommes cependant un peu pressés, et arrivons à l'agence, à quelques mètres de là, pile à l'heure. Nous sommes un peu dégoûtés d'aller découvrir le désert et le lac salé dans lequel il est possible de se baigner sous ce temps. Nous partons avec 8 autres personnes, dont 4 français et 2 finlandais, et un guide belge parlant français (Joost), très sympa, de notre âge, avec lequel nous sympathisons rapidement. Direction Laguna Cejar, à 30km. Nous sortons de la ville et tombons tout de suite dans le désert de sel. La ville n'est en effet qu'un ensemble de bâtiments au milieu de rien. Ici, aucun arbre, quasiment pas de végétation, rien qu'une terre ocre et blanche, mélange de sel et de terre. La route, puis la piste, est bosselée. Ca secoue pas mal, d'autant que le chauffeur connait l'endroit et n'hésite pas à rouler à bonne allure. Les volcans dont nous parlions plus haut sont là, mais nous ne faisons que les deviner, voire les imaginer, à cause des nuages qui les masquent. Quelle frustration. Nous faisons un premier arrêt devant un lac peu profond, Laguna Tebinquiche, dont la hauteur d'eau ne dépasse pas 5 à 10cm. En temps normal, l'eau devrait être parfaitement plane et refléter la chaîne de volcans, pour créer un joli effet semblable à ceux que nous avions eu quelquefois pendant notre marche dans le parc de Torres del Paine. Aujourd'hui, on ne voit absolument rien, d'autant que le vent balaie la surface qui ondule par conséquent, et ne permet aucun effet mirroir. En revanche, la terre autour est étrange, et des ilots de sel bordent la lagune, et forment un ensemble diforme sur lequel il est un peu difficile de marcher si l'on s'écarte un peu. Et à perte de vue. L'ensemble est ocre et blanc, et des concentrations de sel, de la petite pincée à la grosse pierre, tapissent les environs. Nous goûtons, et oui, c'est bien du sel. Pourtant, on pourrait croire que ces taches blanches sont des dépôts de neige, mais non. Comment cela est-il possible d'ailleurs ? Il vient d'où tout ce sel, en quantité quand on sait que l'épaisseur de la couche est supérieure à plusieurs mètres ? Eh bien de la dissolution des sels du sol volcanique de la région, via les eaux apportées par les précipitations sur la chaîne andine toute proche il y a plusieurs millions d'années. Dans un premier temps, ces dernières se sont infiltrées et se sont accumulées dans le sol, se chargeant de sels. Dans un deuxième temps, pendant une période chaude et sèche, il s'est produit un affleurement de ces eaux souterraines dans la dépression du salar. Puis les eaux se sont évaporées et les sels apportés le long des canaux - aujourd'hui encore bien visibles le long des parois des volcans, et parfois profonds de plusieurs dizaines de mètres - se sont accumulés, formant une croûte solide de sels minéraux. Celle-ci est depuis cimentée par les poussières amenées par le vent du désert, qui se sont mélangés à ces dépots salin, expliquant pourquoi le sol n'est pas complètement blanc, comme le Salar de Uyuni en Bolivie, notre prochaine grande destination. Nous apprenons que les petites rivières issues de la fonte régulière des neiges andines des sommets environnants s'écoulent vers la cuvette du salar créant ainsi de multiples oasis. Celles-ci furent à l'époque le lieu privilégié du développement de la culture des Indiens Atacamas (pour en savoir plus : http://eldesiertoflorido.over-blog.com/article-histoire-atacamene-prelude-117929858.html), dont nous ne voyons aucune trace. C'est donc dommage de ne pouvoir apprécier tout cela, puisque nous ne voyons rien. L'arrêt n'a donc que peu d'intêret à cause de la météo, sauf de voir tout ce sel et l'étendue du désert.
Nous reprenons le mini-van, et allons aux "Ojos del Salar", ou "yeux du désert de sel". Ce sont deux trous remplis d'eau, comme deux grands puits, au milieu de nulle part. En ayant aperçu une photo prise du ciel, cela forme deux yeux, séparés par une dizaine de mètres. L'eau est douce, et la profondeur inconnue (bien qu'estimée entre 12 et 30m) à cause de l'irrégularité des parois. Leur diamètre fait environ 20m. Peu d'intêret là aussi, à part savoir qu'ils existent, et les voir. C'est cependant étrange d'avoir ces deux trous remplis d'eau ici. Enfin, nous rejoignons la dernière étape, la plus intéressante, Laguna Cejar. C'est un lac extrèmement salé, reflétant là aussi normalement les volcans autour, normalement couleur émeraude (mais pas aujourd'hui !), dont la proportion de sel atteint 350g/l, soit dix fois plus que celle des océans, et supérieure à celle de la Mer Morte (275g/l). Vous vous en doutez, du coup, il est possible, voire recommandé, de s'y baigner, pour voir à quelle point on flotte sans effort. Mais la fraicheur de la journée, nuages obligent, le petit vent, ainsi que la température très froide de l'eau (7 à 8°C) nous refroidissent. Deux brésiliens tentent l'expérience un peu plus loin, et crient tellement il fait froid. Deux françaises de notre groupe sont assez courageuses elles aussi pour y aller, mais ne prennent finalement même pas le temps d'essayer de flotter, et ressortent immédiatement. Pour dire. Vraiment dommage car nous aurions bien aimé essayer cette sensation si rare, et si peu commune. Normalement, vous flottez tellement que vous pouvez sortir les bras et les jambes dans une zone où vous n'avez pas pieds, en étant par exemple sur le dos. Franchement, c'est rageant. Nous avions d'ailleurs pris une bonne quantité d'eau pour nous rincer, car apparemment le sel vous colle à la peau, et forme une pellicule blanche. Vous connaissez cette sensation après un bain dans l'océan, vous imaginez avec une salinité dix fois supérieure. Un vrai marais salant à vous tout seul ! Le soleil commence à se coucher, et un Pisco Sour nous est offert, ainsi que quelques biscuits et chips, que nous prenons au milieu de rien, à côté de ce lac, en discutant avec tout le monde, tous surpris par exemple du prix de notre billet tour du monde, si faible par rapport à un aller retour Paris-Santiago aux regards de nos quinze destinations, quand nous répondons à certaines de leurs questions. Nous rentrons, en passant une demi-heure à rouler sur ce sol en terre et en sel, dans la lumière décroissante. Nous arrivons vers 18h, et passons à l'office du tourisme pour connaitre la météo de demain, qui sera apparemment similaire à celle d'aujourd'hui. Pas question du coup de faire une autre excursion, et de louper des choses comme aujourd'hui à cause du temps pourri. Direction l'agence pour organiser tout cela. Fred ira faire du Sandboard, activité pour laquelle la météo compte peu, et interdite à Audrey à cause de sa chute en ski, qui laisse encore des traces. Il découvrira du coup la Vallée de la Lune et la Vallée de la Mort avant elle. Nous voulions procéder différemment pour éviter cela, mais la météo nous fait changer nos plans.
En nous dirigeant vers un restaurant pour dîner, nous rencontrons deux filles belges, tous les quatre en train de regarder le menu affiché sur un grand panneau noir à l'entrée, et discutons avec elles un bon quart d'heure. Elles souhaitent en savoir plus sur notre tour du monde, un rêve pour elles, et nous proposent de dîner avec elles demain soir pour poursuivre tout cela. Nous retournons au même restaurant qu'à midi, "La Estaka" pour se faire plaisir, puis dans nos quartiers vers 22h. Demain, nous déménageons pour une autre guesthouse.
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