Moment fort de la journée : arriver devant le Fitz Roy par la Ruta 40 et sous un ciel dégagé
Bye bye El Calafate. Direction El Chalten, une autre ville incontournable de Patagonie, connue pour être le point de départ de grandes marches ou d'expéditions alpines autour de deux sommets
illustres auprès des grimpeurs et amateurs de montagne : le Fitz Roy, et le Cerro Torre, culminant à 3400m et 3100m, et ayant la particularité d'offrir une paroi quasi verticale, technique, sur
les derniers 700m.
Lever à 6h30, et départ dans la nuit vers 7h20 pour la gare routière. Sachant qu'il n'y a pas de distributeurs de billets à El Chalten, nous arpentons les rues désertes pour en trouver un avant
de prendre la route, et faire le plein d'espèces. Nous sommes un peu en retard, avons du mal à trouver une banque, et lorsqu'Audrey présente sa carte, la somme qu'elle souhaite retirer n'est pas
disponible. Nous récupérons le peu que nous pouvons, en espérant que cela suffise et qu'ils acceptent la carte bleue dans cette ville créée spécialement pour les activités de montagne, au nord du
parc naturel Los Glacieres (le même que celui du Perito Moreno).
Le petit car "Caltùr" part à 8h40. Nous sommes les derniers à monter, après avoir réussi à payer notre ticket par CB, même si seules les espèces étaient acceptées (mais n'ayant pu retirer la
somme que nous souhaitions, il fallait bien trouver une solution... et réussir à expliquer cela à l'homme en face de nous, un peu énervé, sachant que nous sommes arrivés à la dernière minute). Le
véhicule n'est qu'à moitié rempli. Il fait nuit, et tout le monde dort plus ou moins au bout de vingt minutes, quand nous empruntons la "Ruta 40", la route mythique qui traverse tout le pays,
s'étendant sur 5300km, et la seule qui traverse l'ensemble de la Patagonie. Une heure et demi après être partis, donc à peu près à mi-chemin, une lumière orange, très forte, entoure le van, et
transparait derrière les rideaux, tous tirés. On dirait qu'un grand feu de forêt nous a piégés. En fait, c'est l'aube. Le soleil se lève. Les nombreux nuages, éclairés par dessous, se comportent
comme de grands miroirs, et produisent une lumière intense, jouant sur toute une palette de teintes oranges vives. Tranchant avec l'absence de visibilité, avec le plat du désert, le phénomène est
incroyable de puissance. Les ciels de Patagonie brillent de nouveau par leur qualité. Peu après, le car s'arrête pour faire une pause, à un croisement de routes, où seule une maison servant de
bistrot routier se tient, au milieu de nulle part. En fait, en entrant pour aller aux toilettes, nous apercevons à l'intérieur des documents encadrés parlant d'un bandits des plus célèbres :
Butch Cassidy. En fait, l'endroit lui a servi pendant plus d'un mois de refuge/cabane (ou "arrêt technique") en 1905, lors de sa fuite vers le Chili après avoir attaqué la banque d'Angleterre,
accompagné de Sundance Kid, son acôlyte. Nous apprenons également que la bâtisse a servi au milieu du 20ième siècle de premier refuge pour les alpinistes s'aventurant à la conquête des parois du
massif vers lequel nous nous dirigeons, comme en 1952 lors de la première ascension du Fitz Roy, ou en 1974 pour celle du mont Torre. Sans le savoir en entrant, et derrière ses airs presque
minables paumé dans la steppe, nous sommes en fait dans un refuge mythique, témoin depuis plus de 110 ans de l'histoire légendaire de la Patagonie Australe. Nous repartons après 20 minutes.
La deuxième partie du trajet s'avère grandiose. Nous nous rendormons un peu au début, puis, lors de notre réveil, sommes face à un paysage à couper le souffle. Fred réveille d'ailleurs Audrey
afin qu'elle ne rate rien. Au milieu de la steppe, la Ruta 40 file droit devant, à perte de vue, dans un style similaire à la Stuart Highway d'Australie Centrale, sans rien d'autre autour. Sur la
gauche, se trouve un lac alimenté par un glacier que nous voyons descendre et arriver de nulle part au fond, assez loin, et sur la droite, une chaîne de montagnes assez basse aux sommets
recouverts d'une fine couche de neige nous interdit de voir plus loin. Mais c'est surtout devant nous, au bout de la ligne nous servant de route se perdant sur l'horizon, que trône une chaîne de
montagnes, créant une barrière naturelle interminable, immobile, et dont les couleurs semblent sorties d'une peinture, avec, légèrement décalé sur la droite, le Fitz Roy, à la forme si
reconnaissable, dominant tout le monde. Dans la lignée de celle d'hier, nous nous prenons une nouvelle claque visuelle. Nous sommes tous les deux d'accords pour dire que c'est incroyable de
beauté. Le paysage, toujours le même, défile, mais ce bout de la cordillère devant nous reste immobile, comme figé. Une vraie carte postale. Deux claques visuelles en deux jours, c'est du jamais
vu en 8 mois de voyage. Tout le monde dans le bus, même si nous ne sommes pas si nombreux, prend son appareil photo. Patagonie quand tu nous tiens... Au moins cela nous rassure : nous ne sommes
pas blasés. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons, le paysage continue de tenir ses promesses. Grâce au temps clément, une chance quand on sait qu'il change très vite ici et que certains
attendent parfois une semaine pour apercevoir un bout du Fitz Roy, sans parler du Torre, nous en profitons jusqu'au bout. Nous arrivons à 11h10 à El Chalten (signifiant "montagne fumante", à
cause des nuages souvent présents), au pied du massif (dont le nom est celui du capitaine du navire de Charles Darwin lors de son arrivée en Amérique du Sud).
La ville est jeune : elle fut fondée en 1985, pour répondre aux besoins des alpinistes d'alors, qui commencent à venir de plus en plus se frotter aux parois du coin. La réputation du lieu grandit
vite, au point d'être aujourd'hui un incontournable des grimpeurs du monde entier, au même titre que les Alpes françaises. 500 habitants vivent ici. Aujourd'hui, en pleine saison basse, tout est
désert, et la plupart des hôtels, guesthouses ou restaurants sont fermés pour encore plusieurs mois. Le vent souffle fort en descendant du bus. Nous sommes accueillis par un ranger, qui nous
explique, dans l'Alpine Center local, les différentes marches possibles à faire, les consignes de sécurité, ou encore la difficulté de certains chemins, en insistant sur les conditions météo
changeantes. Deux polonais d'une trentaine d'années sont ici pour 3 semaines, afin de conquérir le Torre. Ils transportent 25 kilos de matériel, et souhaitent monter au sommet par la face
enneigée et glacée : ce sont des ice-climbers (et non des "rock-climbers"). Une expédition sérieuse. Après avoir tourné un peu dans les rues désertes balayées par le vent (on se croirait dans une
ville fantôme), nous nous rabattons sur la guesthouse où se rendent le trio vénézuélien/française/japonais rencontré hier : le Rancho Grande. Là-bas, un peu à l'autre bout de la ville (il doit y
avoir beaucoup de monde l'été, au vu du nombre d'hôtels et d'auberges), après avoir remonté cette longue rue très large (500 habitants, mais une rue large comme une 3 voies...on sent quil y a de
l'espace à revendre dans cette partie du monde), nous arrivons et sommes accueillis avec le sourire et une bonne odeur de poulet grillé qui finit de nous ouvrir l'appétit. Nous prenons un dortoir
pour deux nuits, mais sommes seuls dans cette chambre de 4 lits. Les personnes à l'accueil ont la bonne idée de diviser tout le monde, pour que chacun ait un espace un peu privé, plutöt que de
regrouper tout le monde au maximum. Avantage de la basse saison. Les deux polonais de tout-à-l'heure débarquent aussi, n'ayant pas trouvé d'autres endroits pour dormir, et nous sympathisons avec
eux. Nous partons faire quelques courses tous les quatre, mais tout est fermé - dimanche oblige - sauf une petite boulangerie qui vend deux ou trois bricoles (mais quand même quelques
viennoiseries faites maison assez gourmandes). Paquet de pâtes, saucisson (eh oui, youpi ! pas aussi appétisant que celui que nous connaissons néanmoins), ca suffira pour le moment. L'un des
polonais, Robert, connait le coin, et nous montre un mini-supermarché, fermé jusqu'à 18h. Finalement, nous commandons à déjeuner au restaurant de la guesthouse, dans laquelle nous nous sentons
assez bien. Atmosphère chaleureuse de montagne, d'efforts et de repos. Sachant que les deux grandes marches du coin prennent chacune 8 à 9 heures, nous décidons de ne rien faire aujourd'hui, même
si quelques autres marches de deux heures sont possibles. Le vent, et les nuages de moyenne altitude, qui commencent à se montrer, nous incitent à être paresseux. Nous en profitons pour continuer
à discuter avec les deux polonais, qui s'avèrent très sympathiques, et nous mettre sur l'ordinateur, calés dans un canapé de la grande mezzanine de l'étage. De leur côté, les trois compères d'El
Calafate sont partis marcher, et rentrerons exténués, en terminant la dernière heure et demi de marche dans le noir sans frontale, en ayant réussi à rejoindre le point de vue donnant sur le
Torre, mais n'ayant pas vu grand chose à cause des nuages. Pour leur défense, ils n'ont pas beaucoup de temps, et doivent repartir après-demain. De notre côté, nous nous disons qu'il vaut mieux
prendre un jour en plus pour attendre un temps clair et dégagé afin de pouvoir profiter à fond de la chance que nous avons d'être là. Quand on voit déjà à quel point l'arrivée via la Ruta 4 était
magique (et dire que certains passent à côté quand le temps est nuageux...).
En fin d'après-midi, nous nous rendons dans le petit supermarché pour faire quelques courses pour demain matin, et préparer des sandwhichs pour la marche prévue. Dîner préparé, pâtes carbonaras
avalées, nous rentrons dans la chambre vers 21h, et regardons une série sur l'ordinateur. La météo pour demain est mitigée, mais, d'après le ranger de ce midi, la marche vers le Torre est
possible. Nous verrons.
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Sof (dimanche, 21 juillet 2013 19:19)
Ça fait plaisir de vous lire tjs aussi passionnés et émerveillés par vos découvertes!
Gros bisous les amis!!!