Avant de partir, et malgré le fait que nous souhaitons être à Milford Sound ce soir, après avoir fait une ou deux marches, nous passons un peu de temps sur Internet. D'abord pour payer les impôts, et surtout parce que ce matin, ca y est, c'est officiel. Quoi ? Le fait que nous allons passer une semaine en plus en Polynésie. C'est la fête. Non pas 10 jours, mais 17 jours là-bas. Fred tenait particulièrement à rallonger le séjour, car c'est une occasion rêvée. Les billets étant déjà pris, les décaler d'une semaine (ainsi que tous les autres vols, pour ne pas raccourcir notre séjour en Amérique Latine, mais plutôt celui aux USA) étant gratuit, cela vaut vraiment le coup de rester un peu plus longtemps, même si c'est une destination qui coûte cher sur place. Mais bon, ça sert à ça aussi un tour du monde, à profiter d'occasions qui ne se présentent qu'une fois, ou rarement. Du coup, cela va nous permettre de visiter une île en plus, de rallonger notre séjour sur chaque île, et c'est de cela dont nous discutons pendant le petit-déjeuner. La conversation de rêve. Notre choix porte sur Bora-Bora. Nous y passerons 4 nuits. Nous allons ensuite sur le site d'Air Tahiti pour réserver nos vols, afin de rejoindre les 4 îles où nous irons. Finalement, et dans l'ordre : Huanine (prononcez "ouahiné") pour 4 nuits, Moorea pour 5 nuits, Bora-Bora pour 4 nuits, et Rangiroa (la mecque de la plongée) pour 4 nuits. C'est en effet beaucoup plus avantageux de booker les vols avant d'arriver, via un système de "pass" qui rappelle celui du Japon (le fameux JR Pass), plutôt que de faire le point sur place et payer une grosse fortune. Cela dit, ce n'est quand même pas donné pour nous, quand on sait que certains vols ne durent que 20 minutes. Prendre un bateau là-bas n'est pas si simple d'après les infos que nous avons eues. Enfin, nous réservons nos nuits dans différentes guesthouses.
10h30, le temps est clair et beau. Le moment idéal pour partir et monter vers Milford Sound, à 196km, où nous comptons faire demain une croisière de quelques heures entre les fjords pour rejoindre la mer de Tasmanie, et s'arrêter faire quelques marches sur la route. Nous avons complètement abandonné l'idée de faire le trek, car la pluie est prévue, et nous ne pourrions partir que demain. Tant pis, cela nous permettra de faire d'autres choses. Fred est quand même déçu, car c'est une aventure mythique. Nous quittons donc le camping, passons à la station service puis devant le lac au bord de la ville, pour profiter de la vue parfaitement dégagée sur les montagnes autour. La Scenic Road que nous empruntons est selon plusieurs échos l'une des plus belles routes qui existe, peut-être la plus scénique au monde. La Nouvelle-Zélande a pour l'instant tenu toutes ses promesses, mais il ne faut peut-être pas exagérer. Nous partons donc curieux et excités, et bien sûr de très bonne humeur après ce petit-déjeuner préparatoire bien agréable et plein de rêve. Pendant la première partie de la route, nous longeons le lac Mistletoe, qui remonte en fait jusqu'à Milford. En gros, la route le suit par la droite, en s'écartant de plus en plus pour rentrer dans les montagnes par une vallée différente. Premier arrêt de 5 minutes, après avoir râlé parce que les arbres nous empêchaient de voir en même temps le lac et les montagnes derrière pendant que nous roulions, pour être quasiment les pieds dans l'eau, et profiter d'une belle vue. Pas grand monde aux alentours, tout est calme. La légère brise trouble l'eau et empêche les massifs de se refléter sur sa surface. Un peu plus tard, après avoir roulé et s'être rapprochés des montagnes, nous longeons, toujours sur notre gauche, la Eglinton River. Paysage très sympa, faits de plaines, de forêts et de hauts plateaux, avec au loin de plus grands monts. Seule cette route traverse. Les distances, les étendues, sont grandes. Le champs de vision est large. Et nous commençons à être petits, au milieu de tout cela. Peu après, vers 11h40, nous rentrons officiellement dans le Fjordland National Park. La route s'enfonce un peu plus dans une forêt de conifères. Tout autour de nous est effectivement très beau, sans pause, les environnements s’enchaînant joliment, de manière cohérente, parfois surprenante, avec grâce en quelque sorte. Pour faire simple, c'est effectivement très "scénique". En revanche, mais c'est plutôt une bonne nouvelle pour pouvoir apprécier tout cela, impossible de rouler à plus de 90km/h. La faute aux tournants, virages, montées... A midi, nous nous arrêtons au viewpoint d'Eglinton Valley, pour voir les "Mirror Lakes". Nous ne le savons pas en descendant de la voiture, mais voilà l'un des plus beau arrêt qu'il puisse être donner de faire. Après avoir suivi un petit chemin en bois construit par le DOC, vous tombez sur quelques plans d'eau, pas très grands, en bordure des arbres, dans lesquels se reflètent les montagnes en arrière plan, qui sont à ce stade assez proches. L'eau étant parfaitement plane, à part quand un ou deux canards passent et la font onduler, l'effet miroir est impressionnant de perfection, conservant une bonne partie des couleurs originelles, et créant un effet général sensationnel. Nous restons là à aller et venir, car c'est un vrai régal. Et en plus très apaisant, avec le calme tout autour, cet environnement sauvage et naturel. La nature est définitivement une source d'harmonie et de beauté. Et pourtant, rien n'est organisé, à part la construction sur laquelle nous marchons, tout ce que nous voyons n'est pas là dans un but précis, ni pour créer quelque chose...tout cela existe, tout simplement, que l'homme soit là pour le voir ou non. Qu'est-ce qu'il doit y en avoir des endroits comme ça, qui ne serons peut-être jamais découverts, ou qui sont si beaux que dans certaines circonstances, comme aujourd'hui grâce à la météo (imaginez l'endroit quand il fait nuageux ou quand il pleut, avec les perturbations créées par les gouttes sur la surface...). C'est en partie pour cela que le trek de Milford est si réputé, car il vous fait accéder à ce genre d'endroits et de moments. Quoiqu'il en soit, que nous ayons devant nous une définition du beau ou pas, nous commençons à comprendre pourquoi la route de ce matin est considérée comme l'une des plus belles.
12h45, nous passons à côté d'un panneau "Latitude 45", et nous dirigeons vers le 44ième parallèle. Nous nous arrêtons pour déjeuner sur une aire de pique-nique déserte à Upper Eglinton,
pile devant une vue sur la vallée et les montagnes, avec la rivière, qui a bien grossi depuis tout-à-l'heure. Un vrai décor à la Seigneur des Anneaux. On aime bien déjeuner dans ce
genre d'endroits. A chaque fois, et cela est la troisième, nous avons l'impression d'être en terrasse avec une vue différente. L'autre fois le lac et sa couleur turquoise, il y a
quelques jours l'océan et les falaises, et aujourd'hui la vallée et un superbe pic jaillissant droit devant. Les avantages du camping-car, quoi. Nous repartons vers 14H, faisons
peu de temps après un nouvel arrêt près d'un (grand) lac dans lequel les parois rocheuses tombent (une introduction aux fjords de demain), et une demi-heure plus tard, nous garons le
Fiat pour commencer la marche que nous avons prévue, pour atteindre un sommet quelques centaines de mètres plus haut. La Key Summit Walk. En fait une marche de 3h faisant partie d'une
des 9 Great Walks (la Routeburn Track). Nous sommes à ce moment au début de la partie ressérée de la vallée. Il n'y a plus de plaines, justes les versants, pour l'instant couverts de
pins, et encore assez espacés. Dès les premiers mètres, nous pénétrons dans une forêt dense, humide, verte, mais au chemin bien tracé. Nous sommes surpris par le type de végétation, et
la densité, presque étouffante après avoir été jusqu'à maintenant dans un environnement plus ouvert et avec beaucoup de profondeur. Tous les arbres, les branches sont couverts d'un
épais lichen, très moelleux et spongieux, d'environ 5cm d'épaisseur. Le chemin monte. Souvenir du Népal. Après presque une heure perdus dans les feuillages, les troncs d'arbres et
les fougères géantes, il débouche sur une belle vue sur la vallée, que l'on voit fuir entre les parois des montagnes tout autour, dont nous apercevons clairement les sommets enneigés.
Comme d'autres fois, le paysage est superbe, grâce au fait que toute la chaîne se développe latéralement, plutôt que perpendiculairement à nous. Pour faire simple, nous sommes en
hauteur, et au lieu d'avoir un mur de montagnes face à nous, nous le voyons partir vers l'horizon en l'accompagnant du regard. Nous continuons et montons au sommet. L'altitude est
faible, environ 1 000m. Là haut, le paysage est magnifique.D'autres vues similaires se dégagent derrière. A gauche, nous tutoyons un sommet. La chance est de notre côté, car le ciel est
limpide et bleu. Nous ne pouvions avoir meilleur temps, et n'aurions rien vu dans le cas contraire. Nous mettons quelques photos ci-dessous, et, entre ça et le reflet des étangs de
tout-à-l'heure, on vous le promet, nous n'avons pas utilisé Photoshop. La vue sur la vallée est une vraie peinture. Tout est figé, immobile. Nous faisons une pause pour profiter du lieu
et du moment, puis continuons en suivant un autre chemin qui nous promène au dessus d'un marais particulièrement fragile (d'après les panneaux explicatifs), fait de mousse et d'eau.
Les couleurs sont belles, avec la neige des sommets et de la chaîne, le bleu du ciel, la couleur gris-clair de la roche, et le vert et marron du marais et des herbes. Nous
apprécions beaucoup ce moment. Comme le disait le prospectus du DOC, l'une des marches les plus "rewarding", ou gratifiantes. Quelques grandes flaques d'eau offrent de beaux reflets des
montagnes tout autour. En revanche, il commence à faire frais. Avant de prendre le chemin de la redescente, nous passons par un bois fait d'arbres un peu étranges, à moitié morts et
vivants, plein de lichen collé partout, où pendent des branches dénuée de vie... un vrai décor de film, un peu féerique, qui ne donne malheureusement rien en vidéo. Nous mettons 40
minutes pour revenir à la voiture, en passant de nouveau à travers cette forêt surprenante, qui nous rappelle comme l'autre fois celle du Cambodge. On
dit que la NZ regroupe des environnements très différents sur un même territoire, nous ne pensions pas que c'était à ce point le cas.
Nous repartons vers 17h30, et avons rapidement face à nous la vallée que nous observions de là haut. Nous faisons un stop rapide à un lookout donnant sur celle-ci, d'un peu plus bas, avec un panorama à presque 270°, découvrant une paroi enneigée abrupte sur la gauche, puis à une deuxième, pas très loin. Nous remontons assez vite en voiture, car la lumière commence à descendre. Les sommets ne sont désormais plus éclairés, alors qu'une couleur rosée habillait leur pointe il y a dix minutes. Mais impossible d'aller vite. Plus nous descendons, et arrivons au coeur de cette vallée, plus le paysage donne du ton, nous obligeant à nous arrêter parfois brutalement pour prendre une ou deux photos, sous tel angle, puis sous tel autre, tellement les volumes deviennent saisissants. D'autant qu'après un long virage, une nouvelle paroi s'offre à nous, juste en face, telle une vague qui vous arrive dessus, majestueuse de simplicité et de verticalité, haute d'environ 800m, si ce n'est plus, couverte tout en haut d'un joli manteau neigeux. La route, longue, droite, fonce droit dessus, créant un effet de perspective saisissant. Nous continuons à allure modérée, partagés entre des tournants vicieux et l'envie de prendre tout cela en photo, et découvrons encore une nouvelle face d'une des montagnes autour. Nous avons l'impression d'être aux pieds d'immeubles, et devons toujours lever la tête tout autour de nous. Le soleil est maintenant quasi couché, et il ne reste que la lumière crépusculaire pour nous rendre compte de l'endroit où nous sommes, littéralement perdus au milieu des façades rocheuses. La route serpente à leurs pieds, et toutes les 3 minutes, résonnent des "noonnnn" "ohhhh" "hallucinant", "regarde ça" "incroyable", que nous n'avons jamais autant prononcés depuis que nous sommes partis. Nous sommes scotchés. Nous hésitons à nous arrêter pour ne pas rouler de nuit, et garder la surprise du reste pour demain, quand il fera jour, mais continuons, quitte à refaire le trajet en sens inverse pour refaire la route et revoir tout cela sous une lumière différente demain. Il fait presque nuit quand nous arrivons à un stop, devant l'entrée d'un tunnel qui est en fait un long couloir, long de plus d'un kilomètre, rectiligne, creusé dans la montagne pour rejoindre l'autre versant. La voiture est un peu penchée en arrière, pied sur le frein en attendant que le feu passe au vert, et comprenons que la route va descendre en pente abrupte à travers la paroi. Audrey n'est pas du tout rassurée. Le tunnel est impressionnant. Nous sommes dans un tube dont le mur n'est rien d'autre que la roche, sans rien, comme si la machine était passée la veille pour créer ce passage, avec de grosses gouttes tombant sur le pare-brise par intermittence, et le goudron sous les roues fuyant vers presque l'infini. Nous ne voyons en effet pas le bout, et roulons plusieurs minutes, jamais à plus de 40 km/h. Audrey a peur. En arrivant au bout, c'est le choc. La route débouche sur un espace gigantesque, dont nous ne nous rendons compte qu'en distinguant les masses noires des montagnes tout autour, avec ce mur de géant en face (le versant d'une nouvelle montagne). Un peu comme si nous avions emprunté un tobogan sans savoir où nous tomberions. Nous avons l'impression d'être des fourmis. Fred, qui a pourtant côtoyé un peu la montagne, est soufflé. Jamais il n'avait eu aussi proche de lui des parois d'un millier de mètres (elles sont vraiment toutes au dessus de nous, de tous les côtés), l'encerclant complètement, de manière presque étouffante, et s'était senti menacé par leur présence et l'allure que leur donne l'absence de couleur et de lumière. Nous sommes comme au pied d'un gigantesque barrage, dans une cuvette démesurée. L'heure tardive crée un effet particulier, car la ligne de crête, continue, de tous les sommets et de la chaîne ne se distingue que par contraste avec le bleu foncé, bientôt noir, du ciel totalement limpide. Pour faire simple, nous surplombons une nouvelle vallée, en sortant directement du coeur d'un massif, en cette fin de crépuscule, et sommes comme perdus devant l'immensité des lieux. Devant, mais surtout à gauche ou à droite, nous longeons des parois verticales et sombres. La portion de ciel visible est restreinte. Il y a quelque chose de dramatique dans ces instants. Nous hésitons à continuer. Audrey est toujours effrayée, et Fred n'est pas à l'aise du tout. Franchement, l'effet est incroyable. Jamais nous n'avions vu quelque chose comme cela. Au milieu de cette cuvette à couper le souffle, nous avons la sensation d'être observés de haut, presque écrasés, comme ci nous nous trouvions aux pieds de gratte-ciels d'une largeur phénoménale, et tous reliés entre eux. La route ressemble de son côté à l'étape du Tour de France de l'Alpe d'Huez. Nous nous arrêtons un peu plus loin sur un bas côté dégagé, pour rester là ce soir. En réflechissant, nous préférons découvrir tout cela de jour, et il vaut mieux s'arrêter (avec le risque d'être contrôlés et de se prendre une amende pour camping sauvage) et revenir un peu sur nos pas demain matin pour revoir tout cela (car il est impensable de ne pas voir cette portion de la route de jour), plutôt que de continuer jusqu'à Milford, et de devoir refaire tout le trajet, en gâchant en outre l'effet de surprise. Mais malheureusement, la pente est un peu trop raide, et nous ne sommes pas rassurés en voyant le camping-car pencher comme ça. Par ailleurs, les freins, comme l'autre jour, fument. Nous continuons, puis, après il est vrai s'être un peu pris la tête, faisons demi-tour pour rejoindre le lookout de tout-à-l'heure, proprement, pour revoir tout cela et découvrir la suite demain matin (et garder aussi le panorama du trajet retour pour plus tard). Nous reprenons donc le même tunnel, en le remontant. Sensation étrange et géniale de se dire que nous allons complètement traverser la montagne. Il fait bien sûr nuit noire depuis un bon quart d'heure. Arrivés au look-out, nous soufflons un coup. Audrey se détend. Moment de plaisir quand Fred descend du siège pour aller ouvrir la bouteille de gaz, dehors, et est accueilli par un superbe ciel étoilé, pur, parfaitement clair et sans lune. La Voie Lactée est juste au dessus, immédiatement visible. En regardant autour de lui, l'immensité de la voûte céleste, de la vallée et des massifs, et en regardant juste après la faible lumière dégagée par notre petit camping-car se détachant dans l'obscurité - dont la taille est insignifiante par rapport à tout cela - il se dit que même si cela, dans les conditions de ce soir, est impressionnant, c'est quand même bon d'être au milieu de rien, au coeur de la nature. Ici, en Nouvelle-Zélande, elle vous offre des choses pour le moment uniques. Et oui, la route entre Te Anau et Milford est bien l'une des plus scéniques au monde, et les 3 heures pour la parcourir époustouflantes.
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François P. (samedi, 04 mai 2013 09:20)
Le petit passage sur les impôts... Ou le gentil petit rappel que vous êtes toujours français...
christiane (samedi, 04 mai 2013 09:37)
tu as une petite femme bien courageuse!j aurai eu très peur aussi dans ces montagnes
quand je trouve ma vue superbe de mon 10 etage à montreuil je me trouve ridicule!
La Plume de Rosa (samedi, 04 mai 2013 09:44)
Trek
Couz - JM (mardi, 21 mai 2013 14:15)
Je le veux le guide LOTR Sightseeing :)
Le passage du tunnel à l'air juste terrible ! C'est la moria en Fiat :)